Dans cette lettre poétique, du vrac de mots, des extraits de textes retravaillés ou bruts.
Ça faisait trop longtemps que je n’avais pas écrit ici et je n’avais pas envie de laisser passer encore un jour de plus. Quelques actualités avant de laisser la place aux mots.
Je serai le samedi 11 mai à La Perle, ferme de poésie pulsée dans le Morvan.
Pour l’occasion de la sortie des Cahiers de La Vacance. Une jolie soirée se prépare et j’y lirai. Venez ! Toutes les infos ici.
Je lirai aussi lors de la scène ouverte du Boeuf Monstre le mardi 14 mai, à partir de 20h, au bar le Nouvô Cosmos à Paris.
Extraits de journal
Jeudi 11 avril 2024
Embrasser l’inconnu puisque le connu jusqu’à maintenant ne m’a pas encore amenée là où j’ai envie d’être.
Samedi 20 avril 2024
Pourtant, si je ne fais pas confiance en ce que je sens, en quoi je peux faire confiance ?
Je veux vivre dans cette réalité. Celle de la sensation, celle de l’animalité, celle de l’instinct. Je ne veux pas nier ce qui traverse mon corps.
Jeudi 25 avril 2024
Besoin que l’homme en face duquel je me mets nue me dise je te reconnais dans ta nudité, elle est belle ta nudité. Tu peux être vulnérable face à moi, je le vois et je l’accueille. Je te vois et je t’aime même dans ta vulnérabilité.
Comme si on avait appris que notre nudité et notre vulnérabilité n’était pas aimable.
Pourtant, on va passer notre vie à la chercher chez l’autre et à chercher à l’assumer chez nous.
Mardi 30 avril 2024
Rien n’est plus essentiel que ça. Ce n’est même pas un choix. C’est quelque chose qui s’impose. Et c’est pour ça que les gens qui n’ont pas cette nécessité qui s’impose à eux ont du mal à comprendre. Quand ils voient les affres de doutes et de douleurs par lesquels on passe parfois pour créer, ils disent d’arrêter. Ils disent à quoi ça sert de créer si c’est pour se mettre dans ces états là. Ils ne comprennent pas. On ne peut pas faire autrement. Comme quand j’écris ces lignes. A quoi ça sert ? Je ne sais pas mais c’est comme si une voix passait à travers moi et que les mots sortaient tout seuls. Je n’ai pas prémédité d’écrire ça. Et pourtant, je sais exactement quoi écrire une fois devant mon ordinateur.
L’absolue nécessité de créer. De traduire l’invisible dans le visible.
Comme l’absolue impossibilité de se rendre. D’abandonner.
Extraits de poèmes
Ta voix (travail en cours avec musique)
tu me parles souvent de la fin du monde
celle que les étoiles te murmurent dans ton sommeil
celle du soleil noir après la pluie de feu - celle
où tout s’éteint d’avoir voulu jouer aux dieux
moi dans ces moments-là
les paupières grandes ouvertes je nous sais mortels
et la seule fin qui m’effraie
est celle de ta voix
Là dans les collines
tout dans les sens
rien dans la tête
nos pelages fondus nos liquides rivières nos langues serpentes nos caresses tornades nos pelages rivières liquides serpentes langues tornades caresses fondus liquide serpente langue rivière tornades tornades
Berger
tu oublies que je suis sorcière
même si face à toi souvent
je ne suis
que vulnérable
et mon corps en frissonne de tes paumes
et de tes yeux et de tes sourires
de mon ciel tu es le berger
tes lèvres comme des prières sur mon cou
Extraits de “journal d’une semaine à l’ehpad - avril 2024”
J’ai hésité à vous partager ça, car j’ai beau essayé, je n’arrive pas à écrire des choses rassurantes ou positives lorsque j’y travaille. J’en partage peu aujourd’hui, si vous voulez lire la suite, dites-le moi.
JOUR 1
LUNDI 15 AVRIL 2024
09H03
Et j’entends le bruit lointain du chariot des petits déjeuners que distribuent les auxiliaires de vie. Aussi, le bip d’une chambre qui doit être au bout du couloir car le bruit est assez lointain. Quand ça bip, c’est que le patient a besoin de demander quelque chose aux soignants. Parfois c’est urgent, d’autres fois non. Le plus souvent, ça bip longtemps avant que quelqu’un ne réponde car il n’y a jamais assez de personnel pour répondre aux demandes de tous les patients.
18H24
Ce couple dont la femme est à l’ehpad et le mari non. Ils ne sont pas très vieux, mais elle, elle a complètement perdu la tête. Il vient la voir tous les après-midis. Il passe du temps avec elle et participe aux activités proposées aux résidents. Pourtant, elle, elle ne se rappelle pas toujours de lui. Elle ne se rappelle jamais qu’il vient tous les jours presque à la même heure. Il est où J-C, elle nous demande sans arrêt. La peur dans sa voix à chaque fois qu’elle pose cette question.
[…] C’est quoi cette vie d’être deux quand l’autre ne se rappelle de rien et ne vit plus dans le même monde ? C’est quoi cette vie avec l’un à l’ehpad et l’autre à la maison ? Comment on vit avec la culpabilité plutôt qu’avec l’autre ? Comment on vit avec la solitude plutôt qu’avec l’autre ?
JOUR 2
MARDI 16 AVRIL 2024
08H57
J’en connais un qui sortait seul. Mais qui a eu un accident. Il s’est fait renversé par une voiture. Il n’a plus le droit de sortir seul. Je me demande si c’est parce qu’ils ont peur qu’il se blesse ou si c’est parce qu’ils le soupçonnent d’avoir tenté de mettre fin à ses jours sous les roues de la voiture.
Quoiqu’il en soit il m’a dit en baissant les yeux je n’ai pas le droit de sortir seul.
Avec joie de lire vos retours, commentaires et impressions. A bientôt.