Me voilà dans cette Lettre Poétique de Mai, à tâtons, cherchant le nouvel élan que je souhaite pour cette lettre que je vous adresse.
Depuis que j’ai annoncé arrêter la lettre-atelier d’écriture mensuelle, j’ai finalement tout arrêté. La vérité est que j’ai peu écrit ces derniers mois, toute mon énergie tournée vers planter mes racines dans mon nouveau lieu de vie. Et si l’écriture est une compagne fidèle depuis toujours, elle est une compagne inconstante parfois jusqu’à s’effacer de mon quotidien. Je ne lui en veux pas, je sais les temps de jachères nécessaires pour que poussent de nouvelles fleurs. Mais je sais aussi combien je suis incomplète quand je laisse trop longtemps la création sur le seuil et quel est le risque à planter mes racines sans nourrir l’écrivaine.
Un manuscrit est en attente depuis l’été dernier où je lui ai donné sa première version. Et je sentais depuis quelques semaines que c’était le moment de retrousser mes manches et retourner le façonner.
Parfois, les tempos s’accordent à merveille. Alors que je m’apprêtais à m’y mettre, j’ai pu m’appuyer sur l’énergie collective du stage Vers le livre orchestrée par Hortense Raynal. Et j’ai senti, profondément dans ma chair, que la matière était là.
C’est au lendemain d’une après-midi de travail solo sur ce recueil et quelques instants avant de d’y retourner, que j’écris ici. Je regarde par la fenêtre de mon nouveau bureau la cime des arbres qui danse.
Le langage du bruissement, c’est de ça dont il est question dans ce que je suis en train d’écrire. La force du “nous”. La détresse aussi, du béton, du monde qui s’effondre. De la guerre qui fait rage et de l’absolu nécessité de faire barrage (quelques pistes en notes de bas de page) 1
Avant de vous partager des petites miettes de poésie glanées dans les interstices et mes dernières lectures, j’aimerai vous dire que j’ai envie de vous lire.
Savoir comment vous allez, savoir comment vous recevez cette lettre, savoir aussi ce que vous avez envie d’y trouver ? Que vous m’aidiez à nourrir les vases communicants entre nous car il m’importe peu une relation à sens unique, si j’écris c’est pour créer et faire rhizomer les liens autant que possible.
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Je t’écris pour te dire que je sais. Je sais la vie et la difficulté à la vivre. Toutes ces choses dans ta tête dans ton cœur, toutes ces choses à ressentir ou à faire taire, toutes ces choses qui ne viennent pas de toi. Je sais le combat chaque jour. Je sais la rage et l’arène. Je sais l’absolue impossibilité de se rendre. Moi aussi, pas comme toi, mais moi aussi j’ai dans la chair un volcan, du magma plein les veines et je sais le combat qu’est la quête d’un peu de joie. Je t’écris alors que je suis en route pour tenter d’en trouver de cet un peu de joie, même quelques miettes, même quelques heures, même si ce n’est pas la joie d’être avec toi. Cette joie-là, ces jours-ci est la seule qui secoue à l’intérieur. C’est d’ailleurs la mémoire de cette joie qui me pousse à cette correspondance pour te dire : ne pas laisser la tristesse gagner. Et aussi la joie que j’ai de te savoir là, la confiance, la tendresse et l’amour. L’amour de tes failles, l’amour de ta lumière.
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quand l’eau fait l’amour au rebord du monde je me sens si petite je ferme les yeux et écoute le ressac du lac pénétrer la pierre où s’en vont les vagues une fois la rive touchée ? où l’eau puise tant d’amour sans jamais s’essouffler ?
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il aura fallu que sur cette terre nue poussent des pervenches un matin de printemps il aura fallu que mon cœur perce la neige tombée si drue et si longtemps il aura fallu que la vie aille de l’avant pour que je réalise ta perte même si je n’aime pas perdre ce matin j’aime mon cœur fleurit à nouveau
Mes dernières lectures que je vous recommande :
- La tendresse des catastrophes - Martin Page - Les Escales, 2025. (
Une comédie romantique queer à souhait, tous les personnages sont savoureux. C’est moderne, et ça m’a fait pleurer.
- Et m’ont murmuré les campagnes - Milène Tournier - Le Castor Astral, 2025.
Un recueil de Milène Tournier c’est toujours une expérience vive. Du sourire à la gravité, on traverse les paysages avec elle et son regard si délicat sur les petites choses de la vie.
C’est tout pour aujourd’hui. Je ne sais pas encore si je garderai le rythme d’une lettre par mois, peut-être que l’été sera en faveur de correspondances plus régulières.
A bientôt,
Claire.
Je vous mets ici un lien vers des cagnottes de soutien pour les personnes victimes de génocide en Palestine. Les cagnottes tournent et sont référencées par Let’s talk Palestine : https://linktr.ee/fundsforgaza
Et ici, la tribune récemment signée par un collectif de plus de 300 écrivain.es sur Libération : «Nous ne pouvons plus nous contenter du mot “horreur”, il faut aujourd’hui nommer le “génocide” à Gaza» : https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/nous-ne-pouvons-plus-nous-contenter-du-mot-horreur-il-faut-aujourdhui-nommer-le-genocide-a-gaza-par-300-ecrivains-20250526_WFXWVJRLRJA75GOZE5PHCQCNJI/
Oh 😌
merci Claire. Comme toi tout pareil, toujours envie, lire écrire partager. Mais point mort pour ce qui est de créer, peaufiner, tenter de publier. Donc merci, de donner l'élan, de nous proposer de reprendre, ou continuer, ou contempler.
à bientôt.